compaoreLa situation dégénère à Ouagadougou. Malgré des effectifs de police importants, et un cordon de sécurité à 1km de l'Assemblée nationale du Burkina Faso, à Ouagadougou, plusieurs centaines d'opposants sont parvenus, ce jeudi matin, à pénétrer dans le Parlement pour empêcher les députés qui achevaient aujourd'hui d'examiner un projet de révision constitutionnelle qui permettrait le maintien au pouvoir du président Blaise Compaoré.

Depuis, la capitale semble livrée aux opposants, qui poursuivent leur marche vers la présidence. Un journaliste sportif italien, actuellement à Ouagadougou, évoque la rumeur de 15 morts mais sans pouvoir le confirmer. Une photo circule sur le net, d'un manifestant tué par balle dans le quartier des 1200 logements.

Les manifestants ont en partie saccagé l'intérieur de l'Assemblée, ainsi que sa façade, pour finalement y mettre le feu. Au moins trois voitures garées dans la cour et à l'extérieur du bâtiment ont été brûlées, tandis que du matériel informatique a été pillé et des documents en papier incendiés, selon un correspondant de l'AFP. Les forces de l'ordre ont, semble-t-il battu en retraite. Puis les opposants s'en sont pris à la télévision nationale, la RTB, qui a cessé d'émettre, et se dirigent vers le palais du Premier ministre après avoir incendié le siège du parti au pouvoir.

Si un hélicoptère lançait des gaz lacrymogènes sur la foule, l'essentiel des forces de l'ordre semble avoir fui. A 11h40, heure de Paris, les manifestants se regroupent place de la Nation, selon certains témoignages, dans le but de marcher sur Kosyam, le palais présidentiel. Pour apaiser la situation, le président du Conseil constitutionnel devrait bientôt faire une déclaration, dans laquelle il confirmera l'abandon du texte modifiant l'article 37 de la Loi fondamentale burkinabèe.

Le service d'information du gouvernement a publié un communiqué sur son site internet, qui, sous le nombre de connexions, est inaccessible. «Le Gouvernement informe l’ensemble des populations de l’annulation de l’examen du projet de loi portant révision de la Constitution. Il appelle les populations au calme et à la retenue», disait le communiqué.

Majorité et opposition s'empoignent régulièrement depuis de longs mois au sujet de cet article 37 qui limite à deux les quinquennats présidentiels, qui empêche pour l'instant Blaise Compaoré, âgé de 63 ans, de se représenter en 2015. Si la modification est votée, Compaoré pourrait faire un troisième et dernier mandat. Le chef de l'Etat burkinabé, arrivé au pouvoir il y a 27 ans, a déjà modifié l'article 37 en 1997 et 2000, ce qui lui a permis de faire deux septennats et deux quinquennats, de 1992 à 2015, élu chaque fois avec des scores scandaleusement élevés.

Les ténors de l'opposition, depuis quelques jours, appellent donc le peuple à «marcher sur l'Assemblée» afin d'empêcher le vote. «Le 30 octobre, c'est le printemps noir au Burkina Faso, à l'image du printemps arabe», a lancé mercredi Emile Pargui Paré, ex-candidat à la présidentielle.

Mardi, des centaines de milliers de personnes -un million selon l'opposition- ont arpenté les rues de Ouagadougou pour dénoncer le «coup d'Etat constitutionnel» de Blaise Compaoré et de son camp. Des centaines de jeunes, munis de barres de fer et de pierres, ont affronté les forces de l'ordre, si bien que depuis mardi soir, et bien que mercredi soit passé dans le calme, les effectifs de policiers et de militaires avaient sans cesse été renforcés aux abords du Parlement.

Pour parer à tout risque, les députés de la majorité avaient en outre dormi dans la nuit de mercredi à jeudi dans un hôtel voisin de l'Assemblée, gardés par les troupes d'élite de la sécurité présidentielle. Maintenus à un kilomètre de la zone, certains manifestants affirment ne pas pouvoir utiliser leur téléphone ou internet. Les opposants veulent peser sur les parlementaires : si moins des trois quarts votent le texte, la modification constitutionnelle nécessitera un référendum pour être adoptée. L'opposition a toutefois demandé à ce que la violence ne soit pas utilisée mais les jeunes, qui composent 60% de la population burkinabèe, pourraient céder à la contestation musclée.

 

LeParisien.fr