fievre_Ebola_7En mars 2014, le monde découvrait une épidémie de fièvre à virus Ebola qui, pour la première fois, ne restait pas cantonnée à des populations isolées mais prenait d'assaut des villes surpeuplées. Récit d'un an de lutte.

 

• Le premier mort

 

En décembre 2013, un enfant de deux ans meurt soudainement dans son village de Meliandou (sud-est de la Guinée). A la mi-mars, le ministre de la santé Guinéen annonce qu'au moins 23 personnes sont mortes dans le sud d'une «maladie non encore identifiée» et une mission est envoyée sur place.

 

L'enfant de Meliandou sera identifié comme le «patient index», premier malade connu de l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest, selon l'équipe française qui a identifié le virus. Une autre équipe lui préfère, dans une étude publiée dans «Science», une guérisseuse traditionnelle enterrée dans une village de Sierra Leone, près de la frontière avec la Guinée.

 

• Ebola démasqué

Le 21 mars 2014, l'Institut Pasteur confirme qu'Ebola est présent en Guinée: la souche responsable de la première épidémie d'Ebola connue en 1976 au Zaïre, est identifiée par les équipes du laboratoire P4 de Lyon. «L'émergence de cette souche à 2 000 kilomètres de son apparition est assez mystérieuse», confie au Figaro Sylvain Baize, responsable du Centre national de référence des fièvres hémorragiques virales. L'Afrique de l'Ouest fait face à un virus redoutables qui tuera 70% de ses victimes.

• Une capitale contaminée

Les autorités guinéennes confirment, le 24 mars, la découverte de quatre cas à Conakry, où vivent plus de deux millions de personnes. L'arrivée du virus dans une zone densément peuplée marque un tournant dans la propagation de cette maladie qui jusqu'à présent était toujours restée cantonnée à des petites communautés isolées.

• L'alerte de Médecins sans frontières

Médecins sans frontières, dont l'expertise sur Ebola est reconnue et qui s'est impliquée dans toutes les épidémies recensées jusqu'à aujourd‘hui, s'inquiète le 31 mars d'une épidémie «sans précédent» mais peine à être entendu. En première ligne sur le terrain tout au long de l'épidémie, MSF devra faire face à des défis logistiques considérables.

Début avril, les pays frontaliers de la Guinée commencent à mettre en place des plans de protection (surveillance des aéroports, suspension de l'octroi de visas...). En France, plusieurs dispositifs de surveillance sont mis en place mais la ministre de la Santé Marisol Touraine estime qu'il n'y a «pas de raison de s'inquiéter».

• La Guinée crie victoire… un peu trop tôt

L'épidémie est désormais «sous contrôle» en Guinée, clame le ministre des Affaires étrangères le 14 mars 2014. La suite lui donnera tort, et un nouveau pic épidémique sera annoncé à la mi-juin par l'OMS. Plusieurs facteurs compliquent le contrôle de l'épidémie: elle a été repérée tardivement, les modes de contamination sont mal connus de la population qui est réticente à adopter les règles d'hygiène recommandées et à se faire soigner, les rites funéraires locaux sont une source importante de contamination et les systèmes de santé, sinistrés, ne peuvent pas faire face. L'épidémie s'étend rapidement en Sierra Leone et au Liberia, voisins de la Guinée.

•L'OMS sonne enfin l'alarme

Le 26 juin, soit trois mois après l'alerte lancée par MSF, l'Organisation mondiale de la santé appelle une plus grande coopération des pays d'Afrique de l'Ouest et convoque, début juillet, une réunion des ministres de la santé des pays concernés. En janvier 2015, l'OMS admettra a voir tardé à réagir et tâchera de tirer les leçons de la crise.

Fin juillet, la directrice générale de l'OMS Margaret Chan s'inquiète d'une épidémie qui «avance plus vite» que la mobilisation pour l'enrayer, puis le 8 août d'une «urgence de santé publique de portée mondiale» avant d'avouer, le 15, que ses bilans sont «largement sous-estimés». Fin août, l'OMS publie sa feuille de route, puis émet des recommandations pour lutter contre la propagation du virus.

• «Hors de contrôle»

Fin juillet, Médecins sans frontières s'inquiète d'une épidémie «hors de contrôle» et ne parvient plus à faire face alors que la situation est très difficile dans les centres de traitement. Début septembre, l'ONG estime que «le monde est en train de perdre la bataille» et critique vertement, devant les Etats membres de l'Onu, la réponse internationale coordonnée par l'OMS. Mi-septembre, l'ONU demande 1 milliard de dollars pour lutter contre Ebola; mi-octobre, le cumul des dons et promesses de dons se monte à plus de 1 milliard de dollars.

Fin octobre, l'ONU reconnaît que la maladie «est en train de gagner la course» tandis que le nombre des malades explose dans les trois capitales des pays concernés. Pour ces derniers, le danger va bien au-delà d'Ebola: leurs économies sont destabilisée, la crise alimentaire guette, une autre crise sanitaire pourrait naître de cette épidémie et l'instabilité politique est à craindre. Le 9 septembre, le ministre de la Défense libérien n'hésite pas à dire qu'Ebola «menace l'existence même du Libéria».

• Les voisins prennent peur

État d'urgence en Sierra Leone, fermeture des écoles au Liberia, mesures de quarantaine, fermeture des frontières… plusieurs pays du monde, qu'ils appartiennent ou pas à la zone touchée, prennent des mesures d'urgence dès la fin de juillet 2014.

Le 25 juillet, un fonctionnaire libérien en déplacement au Nigéria meurt dans un hôpital de Lagos, faisant craindre une propagation de l'épidémie dans cette ville tentaculaire. Les autorités placent ports et aéroports en alerte et, le 28, les vols vers le Libéria et la Sierra Leone sont suspendus. Fin août 2014, un cas est détecté et immédiatement pris en charge au Sénégal. Fin octobre, ce sera au tour du Mali de prendre peur avec le décès d'une petite fille de deux ans; elle contaminera 8 personnes.

Fin août, une autre épidémie se déclare en République démocratique du Congo. Mais une autre souche est en cause, l'épidémie n'est pas liée à celle d'Afrique de l'Ouest.

• Débats sur les traitements expérimentaux

Contaminé au Liberia, deux missionaires américains reçoivent fin juillet un traitement expérimental jusqu'alors testé uniquement sur le singe et leur état s'améliore rapidement. Puis ils sont rapatriés début août aux Etats-Unis où ils seront déclarés guéris le 21 août.

Le 11 août, l'OMS autorise l'utilisation des traitements expérimentaux contre Ebola après avoir mené une réflexion éthique sur le sujet. Début septembre, l'organisation sélectionne les traitements et vaccins dont elle encourage le développement. La recherche se penche aussi sur les tests de diagnostic rapides, tant l'identification des malades est primordiale.

• Psychose en Occident

Le premier malade rapatrié en Europe est un prêtre espagnol , contaminé au Liberia et décédé en Espagne, non sans avoir contaminé une aide-soignante à cause de «cafouillages» dans la prise en charge; au Texas, le premier ayant développé les symptômes hors d'Afrique est renvoyé chez lui parce qu'on le croit porteur d'une simple grippe; à New York, un médecin américain contaminé en Guinée et testé positif après son retour déclenche la panique dans une ville tenée par la quarantaine systématique... Quelques malades et des simulations épidémiologiques font croire aux occidentaux que le virus pourrait s'installer chez eux.

De la peur naît la déraison. Des chanteurs américains annulent des tournées en Europe, des peoples sont sans aucune raison suspectés d'avoir attrapé Ebola… Même les professionnels de santé s'inquiètent et des spécialistes d'Ebola se retrouvent, fin octobre, priés de ne pas assister à un congrès annuel sur les maladies tropicales!

• Prise de conscience internationale

Cette psychose est un mal pour un bien: le monde se mobilise pour aider l'Afrique de l'Ouest a enrayer l'épidémie d'Ebola et, plus largement, comprend que les virus émergents sont une menace à ne pas négliger. Le président américain Barack Obama annonce l'envoi de 3.000 militaires américains en Afrique de l'Ouest. L'Europe s'organise et la France est chargée d'intervenir en Guinée. Les premiers volontaires envoyés par le gouvernement partent à la fin d'octobre.

D'autres en revanche profitent de l'épidémie: la télévision s'en empare, des «produits dérivés» apparaissent, et les escrocs ne sont pas en reste… Businesse is business.

• Les pays occidentaux se préparent

Alors que les contrôles sanitaires au départ et à l'arrivée sont renforcés, le débat enfle: faut-il fermer les lignes aériennes vers les pays touchés? L'OMS le déconseille, mais les opinions publiques ne sont pas toujours du même avis. Les pays occidentaux se préparent à recevoir des malades.

La France envoie des consignes aux professionnels de santé, nomme des hôpitaux «référents», met en place un centre d'appels et dévoile, le 24 novembre, un «plan national de prévention et de lutte». Le 17 septembre, MSF annonce qu'une volontaire française a été contaminée au Libéria. Elle sera rapatriée en France, soignée avec des traitements expérimentaux puis déclarée guérie le 4 octobre.

Malgré le discours rassurants des autorités, qui expliquent que la France est suffisament armée et a les moyens de détecter et d'isoler très vite une personne qui déclarerait des symptômes, la psychose enfle. Ainsi, début octobre, plusieurs parents refusent de déposer leurs enfants dans une école de Boulogne-Billancourt parce qu'un écolier revient de Guinée, puis un malaise provoque un vent de panique à Cergy...

• Des vaccins et une décrue… provisoire

Le 9 janvier 2015, l'OMS présente les essais cliniques de deux vaccins contre Ebola qui doivent démarrer dès la fin janvier en Afrique de l'Ouest. L'épidémie semble amorcer une décrue, à tel point que certains essais thérapeutique doivent être interrompus… faute de patients!

Malgré les espoirs de la communauté internationale, la victoire contre Ebola est encore incertaine et l'épidémie semblait légèrement repartir à la hausse début février. Samedi, la Sierra Leone a annoncé un nouveau confinement de l'ensemble de la population du 27 au 29 mars, alors qu'un nouveau cas a été découvert la veille dans le Liberia voisin qui en était exempt depuis un mois.

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