coran32L’homme ne naît pas homme mais il peut le devenir, par un interminable effort tout au long de la vie. Cet énoncé paraît simplet mais il est beaucoup plus profond qu’il en a l’air. Tournons-nous vers l’anglais qui est, dans ce cas, plus précis que le français. L’homme, l’être humain qui nous intéresse ici, se dit aussi «Â Human Being ».

Le Being, la forme progressive de l’auxiliaire Be, récèle cette croissance, cette montée en humanité contenue dans notre énoncé. Si nous désignons ce devenir humain universellement éprouvé sous le nom d’humanisme, nous faisons un grand pas dans le temps chronologique. Et nous nous référons aussi à un contexte particulier : un mouvement qui part d’Europe, plus exactement de l’Italie à partir du XVe siècle, et va prendre des formes nouvelles dans le temps.

Cet humanisme arrive à son apogée au XVIIe et à ses Lumières qui vont inspirer des révolutions en tout genre et sublimer les savoirs, les arts et la raison. Dans le reste du monde, il s’est trouvé très tôt des hommes et des femmes pour dénoncer les crimes commis par les conquérants européens au nom de ces valeurs humanistes. De nos jours, le terme est tellement galvaudé que personne n’ose l’utiliser sans prendre moult précautions.

En Afrique par exemple, les autocrates de tout poil l’ont bien compris, soulignez leurs manquements au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne et ils trouveront le meilleur moyen de vous envoyer à vos chères etudes ! Raison de plus pour revenir à la charge, aiguiser notre regard, fourbir nos arguments pour ne plus quitter le terrain des opérations. Justement l’idée de la centralité de l’homme dans la dimension existentielle et de sa place de l’univers n’est pas l’apanage de l’Europe. Cette préoccupation centrale a été poursuivie ailleurs, et avec d’autres outils conceptuels.

Un personnage extraordinaire

Dans le monde de l’Islam, l’humanisme ou al-insiyya a été pris en charge par un grand nombre de penseurs tout au long de son histoire. C’est un Africain né en 1808 en Algérie et mort en 1883 en Syrie, Abd el-Kader ben Muhieddine, connu pour sa résistance à la conquête de l’Algérie, qui s’en fait le meilleur avocat. L’émir Abd el-Kader est un personnage extraordinaire (perdue dans les champs de maïs et jumelée avec Mascara, Elkader la petite ville d’Iowa, perpétue la mémoire du cheikh outre-Atlantique), tour à tour héros de la résistance algérienne, précurseur de l’Etat algérien, guide spirituel, mystique en dialogue avec des Chrétiens et des Juifs.

Résistant au passage de temps, sa pensée stimule pareillement les amoureux de la tradition et les penseurs de la modernité. On la retrouve vivace, éclatant en myriades sous divers régimes d’inspiration. On doit à l’historien Ahmed Bouyerdene plusieurs ouvrages sur la vie et l’œuvre du grand homme. La Fondation pour l’innovation politique, un think-tank «Â libéral, progressiste et européen », a eu la bonne idée de lui passer commande d’une note portant sur «Â L’humanisme et l’humanité en Islam », étoffant ainsi sa série sur les valeurs d’islam confiée à Eric Geoffroy, islamologue à l’université de Strasbourg.

Loin d’être une curiosité philosophique, l’idéal humain abdelkadérien reste inlassablement comptable de son temps. Sur notre continent, les autocrates de toute obédience s’en méfieront à juste titre. Quant à nous, lecteurs, il nous ne reste plus qu’à courir découvrir cette série, sur les valeurs et les lumières de l’Islam, disponible en un clic.


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