miss_japon_miyamotoÀ peine est-elle sacrée reine de beauté, le 12 mars dernier, qu'Ariana Miyamoto est victime d'un véritable lynchage sur la Toile. On lui reproche notamment de ne pas être assez « japonaise ». Aujourd’hui, la jeune femme entend changer les mentalités.

Dans les années 1980, le super top model Naomi Campbell révolutionne le monde du mannequinat. Aujourd'hui, c'est au tour d'Ariana Miyamoto, une métisse de 21 ans élue Miss Japon 2015 de mener sa révolution contre les préjugés raciaux. Lorsqu’elle est sacrée en mars dernier, la jeune femme, née de père afro-américain et de mère japonaise, est victime d'une tempête d’injures sur Twitter. Beaucoup d’internautes se plaignent que la couronne soit allée à une « hafu » (de l’anglais « half », qui signifie « moitié »), c’est-à-dire à une « demi-Japonaise » plutôt qu’à une « Japonaise pure ». La jeune femme, qui « s’attendait aux critiques », n'en est pas moins choquée : « Je mentirais en disant qu’elles ne me blessent pas du tout. »

Ce n’est pas la première fois que cette Afro-Asiatique est victime d’attaques racistes. Née à Sasebo, une base navale américaine proche de Nagasaki (dans l'ouest de l'île de Kyushu) où se sont rencontrés ses parents, Ariana a subi des brimades dès sa jeunesse. « Gamine, j'avais l'habitude d'être stigmatisée, mais je suis devenue plus forte mentalement pour me protéger », se souvient-elle. Dans la rue, on ne manque jamais de dévisager cette jeune femme à la peau caramel mesurant 1,73 mètre, et au restaurant, on lui propose systématiquement un menu en anglais. « Quand j'étais petite, je me distinguais des autres. J'ai toujours senti qu'il fallait que je m'adapte. Je m'efforçais de ne pas me faire remarquer. Aujourd'hui, je dis ce que je pense et je fais ce que je veux. » Aujourd’hui, la jeune métisse entend mettre en lumière l'injustice dont elle a été victime.

Elle rêve de "lancer une révolution"

Si la jeune femme a participé au concours de Miss Japon, c’est à cause du suicide d’un ami de la même couleur qu'elle, victime lui aussi du racisme ordinaire. « Mon but était d’attirer l’attention sur la discrimination raciale », souligne Ariana. « En tant que première Miss Japon noire, je dispose maintenant d'un tremplin pour faire passer mon message. » La jeune femme confie que les critiques essuyées lors de son sacre n’ont « fait que renforcer sa motivation ». Aujourd’hui, elle rêve de « lancer une révolution ». « Je sais bien que je ne vais pas changer les choses en un jour. Mais dans un siècle ou deux, il restera très peu de "Japonais purs" . Il faut donc commencer à changer notre façon de penser », plaide le mannequin, qui veut porter haut sa couronne au prochain concours de Miss Univers. Car si elle remporte le titre, Ariana passera un an à New York, dans le faste de la Trump Tower - la tour du magnat de l'immobilier américain Donald Trump, qui parraine ce concours. Elle gagnerait alors grandement en visibilité pour mener son combat.

L'hostilité qu'elle rencontre contraste avec la volonté affichée par les autorités japonaises de promouvoir l'image d'un « Japon cool » pour attirer les touristes étrangers, notamment à l'occasion des J.O. de Tokyo de 2020. Même si d’autres célébrités japonaises métisses laissent penser que les mentalités évoluent, cette évolution reste toute relative. Ariana regrette qu'en raison des préjugés anti-noirs, seules des Eurasiennes aient pour le moment une chance de percer au Japon, un archipel ethniquement homogène, longtemps isolé, où les enfants nés de mariages mixtes ne représentent que 2 % des naissances annuelles. « Au Japon, il n'y a pratiquement pas de mannequins ou d'animatrices de télé noires », déplore-t-elle, avant de lancer : « J'espère contribuer à créer un Japon dans lequel tout le monde pourra réussir. »

« Il est possible que les plus conservateurs considèrent qu'Ariana Miyamoto ne convient pas à l'image traditionnelle qu'on se fait du Japon », admet la psychologue Yoko Haruka, une habituée des débats télévisés. « Mais c'est dû au choc de la nouveauté. Miyamoto a la chance d'être une pionnière. Et c'est une excellente occasion pour le Japon de s'intégrer dans la mondialisation », observe Mme Haruka. En dépit de ses nobles intentions, elle n'a - pour l'instant - pas l'intention de se lancer en politique. « J'aimerais me servir de ma position pour devenir leader, sourit-elle. Mais je ne pense pas encore sérieusement à la politique. Il est un peu tôt pour envisager de devenir premier ministre. »

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