alpha_conde_2Dans son entretien à Jeune Afrique1, publié sur certains sites guinéens, Alpha Condé, fidèle à lui-même, fait montre d'un manque de lucidité évident, en témoigne certaines de ses réflexions – élucubrations serait plus approprié -, dont un compte-rendu non exhaustif de ses perles, est à suivre.

 

C'est toujours la faute des autres, peut-être même d'une certaine communauté

Lorsqu'Alpha Condé annonce que : « ceux-là qui ont à l'époque dirigé les gouvernements responsables de cette faillite sont les mêmes qui, aujourd'hui, font tout pour empêcher la Guinée d'avancer », il oublie de préciser qu'il travaille avec certains d'entre eux, qu'il a en outre lui-même nommés.

De même Alpha Condé n'a pas honte d'accuser l'opposition de vouloir « ramener les Guinéens à l'âge de pierre », lui qui affirme sans cesse vouloir ramener la Guinée, là où Sékou Touré l'a laissée, c'est-à-dire il y a plus de 30 ans, au XXème siècle, bref… à l'âge de pierre.

« Quand on n'a rien à proposer, on a recours à ... l'ethnie », Alpha Condé ne croit pas si bien dire, lui qui affirmait encore à Kankan le week-end dernier, que la Guinée appartenait aux soussous, malinkés et forestiers, considérant les peuls, communauté la plus importante en nombre du pays, comme des étrangers. Alors il est vrai que : « quand on n'a rien à proposer... ».

Ce n'est pas parce qu'il a des contacts avec quelques peuls pour se justifier, que cela lui délivre un certificat d'honorabilité. Seuls les actes comptent, et je n'ai pas besoin de revenir sur les nominations à sens unique qui ont eu lieu depuis 2011. Mal lui en prend de prendre l'exemple de Boubacar Barry, dont sa maison ou sa voiture n'a jamais été brûlée. Mal lui en prend de prendre l'exemple de Lansana Kouyaté, dont sa voiture a été criblée de balles en Août 2012.

On se demande pourquoi certaines associations de défense de la communauté peuhle restent muettes, alors qu'elles devraient ruer dans les brancards et agir, quand bien même la procédure resterait lettre morte. Il faut faire montre de pédagogie pour montrer aux autres, ce que demain peut leur arriver, en vertu du théorème du pasteur Martin Niemöller, que j'ai maintes fois rappelé.

 

Quid des élections ?

Lorsqu'on parle d'inversion du calendrier électoral, il serait plus juste de préciser qu'il s'agit plus exactement d'inversion du calendrier électoral proposé par la CENI, car là encore pourquoi parler de l'accord de Juillet 2013, auquel Alpha Condé n'accorde aucun crédit, et ne pas regarder la loi qui précise d'une part que : « les Conseils communaux sont élus au scrutin proportionnel de listes à un tour, pour un mandat de 5 ans renouvelable » (article 114 du Code électoral).

D'autre part, la CENI n'est nullement habilitée à prolonger le mandat des délégations spéciales (seule l'Assemblée Nationale l'est). Par ailleurs, la CENI n'a rien démontré sur l'impossibilité de tenir les élections communales avant les présidentielles, mais seulement affirmé qu'il était impossible de les tenir avant Mars 2016. Puisque la CENI viole la loi, Alpha Condé est mal venu de dire que sa « position est … conforme à celle de la CENI ».

Par ailleurs, ce n'est pas parce que le nouveau Code électoral a exclu toute participation des maires ou des délégations spéciales au processus électoral, qu'ils n'interviennent pas dans ce dernier. Alpha Condé a t-il lu les remarques de la MOEUE2, qui prouvent le contraire, et que j'ai rappelées dans un précédent texte ?

Lorsqu'il est indiqué que l'opposition pourrait consentir « à un report de l'élection présidentielle au-delà du 11 Octobre, afin que les communales puissent être organisées auparavant », Alpha Condé répond qu'il ne se voit pas « accepter de devenir un chef d'État hors délais constitutionnels », évoquant même un « piège ... un peu grossier ». Il paraît qu'Alpha Condé signe tous ses décrets du titre de « professeur » - ce qu'il n'a jamais été -, cette diatribe supplémentaire illustrant encore, qu'il n'a rien retenu du droit, faute de l'avoir pratiqué.

Concernant la CENI, il est vrai qu'Alpha Condé a « toujours été favorable à une CENI technique », à condition qu'il en nomme TOUS les membres, ce qu'il avait essayé de faire en 2012, avant que l'opposition n'impose une CENI politique. Comme Alpha Condé en revanche, je pense que cette dernière doit assumer les conséquences de son choix.

 

Quid des manifestations ?

Alpha Condé n'a même pas honte de déclarer qu'il a « interdit [aux forces de l'ordre] l'utilisation d'armes létales… Pour que ces fonctionnaires habitués à la répression acquièrent des réflexes démocratiques, cela prend du temps et je ne nie pas que des bavures surviennent, mais j'insiste sur un point : les forces de l'ordre ne tirent pas à balles réelles ». C'est ce qui explique que lorsque des manifestants et/ou des citoyens sont tués, aucune enquête - y compris lors de ce qu'il appelle « bavures » -, n'est diligentée contre la gendarmerie, qui relève du Ministre de la Défense, dont le titulaire n'est autre qu'Alpha Condé lui-même. CQFD.

De même Alpha Condé termine cette partie de l'entretien par un mensonge, indiquant qu'il n'a « jamais eu recours à la violence, ... jamais armé la jeunesse ». Il faudra bien que les historiens se penchent sérieusement sur les évènements du début des années 2000, pour prouver que les nombreuses rumeurs sur sa participation à la rébellion sont fondées.

 

Quid de son bilan économique et social ?

Lorsqu'on reproche à Alpha Condé « d'avoir sous-estimé l'ampleur de l'épidémie [d'ébola] », il rétorque que « si l'Institut Pasteur de Kindia fonctionnait toujours et si nous avions nos propres laboratoires, nous aurions sans doute réagi plus vite ». Question : pourquoi la santé qui constitue pourtant la chose la plus importante pour l'homme, est tellement négligée par ce gouvernement (à peine 2,5% du budget de l'État, contre 125% en France par exemple) ? Pourquoi construire des hôtels et non des hôpitaux ? Pourquoi avoir encore diminué le budget de la santé en 2015 malgré ébola, et augmenté accessoirement celui de la présidence ? Où sont les priorités ? On ne peut s'exonérer de ses propres turpitudes.

Lorsqu'on lui rappelle que « eau, électricité, éducation, santé, chômage, formation : sur tous ces chantiers, la Guinée est à la traîne en Afrique de l'Ouest. Et ce constat impacte forcément votre bilan... », il répond que « ce que j'ai fait en quatre ans, mes adversaires politiques ne l'ont pas fait en quarante ans », non sans indiquer de quelles réalisations il s'agit.

 

Quid de son bilan politique ?

Alpha Condé affirme qu'il a « combattu le régime de Sékou Touré ». Il faudra aussi qu'il nous explique un jour, comment la majeure partie des Guinéens ont du quitter la France après l'indépendance de la Guinée en 1958, mais pas lui.

Par ailleurs, je ne suis pas spécialiste de l'organigramme du RPG, mais en indiquant que « le numéro deux du RPG est une femme sous­soue », je manque de m'étrangler. De qui parle t-il ? De Nantenin Chérif Konaté ?

Concernant la non limitation des mandats, Alpha Condé exprime sa pensée, indiquant que « la question est complexe, les pays asiatiques [ayant] fait des progrès économiques et sociaux considérables avec des dictatures », ce qui implique qu'en Guinée « le débat est ouvert ».

En suggérant qu'avec un bon président (qui en décide ?), rien n'est interdit, il montre sa prédilection pour l'homme providentiel. Si on le laisse faire, il imposera un mandat non limité en Guinée. Or quelles que soient les conditions, un individu ne doit pas dépasser deux mandats, car personne n'est irremplaçable.

Alpha Condé estime être un patriote, c'est sans doute la raison pour laquelle il ne compte que sur les étrangers pour développer la Guinée, et qu'il considère qu'une communauté ne fait pas partie de la nation.

Alpha Condé dit être contre la peine de mort… prononcée par des magistrats, mais il n'est pas contre accepter et/ou donner la mort en forêt notamment, mais aussi contre des citoyens supposés être contre son régime, qu'ils soient assimilés à des manifestants ou à des opposants.

Concernant la Guinée, Alpha Condé reconnaît que « personne ne m'a obligé à en devenir le chef… je savais ce qui m'attendait », ce qui invalide son discours interne, expliquant qu'il ne connaît pas les cadres, et que, s'il avait su, il n'aurait pas accepté la charge, etc... Comme à son habitude un discours à vocation interne, un autre pour l'extérieur.

Enfin il termine par le délire de mégalomanie classique des dictateurs, s'assimilant à la Guinée et déclarant que « je ne cesserai jamais de m'opposer à ceux qui veulent du mal à la Guinée ». Personne ne veut de mal à la Guinée, sauf lui, mais beaucoup en revanche en veulent à Alpha Condé.

 

 

 

 

Gandhi, citoyen guinéen

« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace ». (Robespierre, Discours sur la liberté de la presse, Mai 1791).

 

 

1 n°2835 du 10 Mai 2015 pages 25 à 31.

2 Mission d'Observation Électorale de l'Union Européenne.