dadis_camaraLa candidature de Moussa Dadis Camara ne doit pas être un frein à la justice ni à la tenue d’une élection présidentielle apaisée.

A 5 mois du premier tour de l’élection présidentielle et après l’annonce de la candidature de Moussa Dadis Camara, 29 organisations de la société civile guinéenne et internationale rappellent que l’ancien chef de la junte militaire doit rendre des comptes devant la justice guinéenne sur son implication présumée dans le massacre du 28 septembre 2009. Les graves crimes perpétrés le 28 septembre 2009 et les jours qui ont suivi font toujours l’objet d’une procédure judiciaire, comme le rappelle un rapport intitulé « Guinée : le temps de la justice ? » publié ce jour par la FIDH et l’OGDH à l’occasion d’une conférence de presse à Conakry.

 

Dans un climat pré-électoral tendu, la société civile rappelle que les violences à caractère politique, l’impunité et les entraves à l’indépendance de la justice sont les causes de la récurrence des graves violations des droits humains perpétrées en Guinée depuis des décennies et appelle les candidats à l’élection présidentielle à faire des droits humains une priorité politique en signant « Les 10 engagements pour les droits humains et une élection présidentielle apaisée ».

 

L’annonce le 11 mai 2015 de la candidature de Moussa Dadis Camara, l’ancien chef de la junte militaire, à l’élection présidentielle de 2015 rappelle que la Guinée n’en a pas encore fini avec son passé de violences politiques, et ce alors même que l’opposition et le pouvoir en place peinent à se mettre d’accord pour l’organisation du scrutin et règlent leurs différends dans la rue au cours de manifestations qui ont déjà fait 63 morts et des dizaines de blessés depuis 2010.

 

« Le retour de Dadis Camara dans le jeu politique est une insulte faite aux victimes du massacre du stade du 28 septembre 2009 et au peuple guinéen dans son ensemble. C’est devant la justice guinéenne qu’il devrait se présenter et non à l’élection présidentielle. Lorsqu’il était au pouvoir, Dadis Camara a violé chacun des 10 engagements pour les droits humains et une élection présidentielle apaisée, que nos organisations demandent aujourd’hui aux candidats d’endosser pour faire de la présidentielle de 2015, un moment de démocratie sans violence » a déclaré Thierno Sow, président de l’OGDH.

 

A la suite d’un coup d’état militaire fin 2008, Moussa Dadis Camara était le chef de l’État et commandant en chef des forces armées lorsque, le 28 septembre 2009, des militaires et des membres des forces de sécurité ont massacré au moins 156 personnes et violé plus d’une centaine de femmes au stade du 28 septembre, lors d’une manifestation pacifique. La commission d’enquête internationale mandatée par les Nations Unies quelques semaines après les évènements avait conclu qu’en raison de sa qualité de chef d’État militaire, il était possible de présumer sa responsabilité pénale directe, voire une responsabilité de commandement, pour les faits qui se sont produits au stade le 28 septembre et les jours suivants.

 

« Moussa Dadis Camara a déjà été entendu, depuis le Burkina Faso, en qualité de témoin et il est aujourd’hui sous le coup d’une demande d’inculpation émanant de la justice guinéenne. Dans ce contexte, il est tout simplement impensable qu’il songe à revenir sur la scène politique guinéenne. Ce que nous attendons désormais, c’est qu’il soit formellement mis en cause par la justice, et qu’il réponde de ses actes devant un jury populaire aux côtés des 13 autres personnes déjà mises en cause dans l’affaire du 28 septembre 2009 » a déclaré Asmaou Diallo, présidente de l’AVIPA.

 

Dans un rapport publié ce jour, « Guinée : le temps de la justice ? », la FIDH et l’OGDH font un bilan des progrès de l’instruction ouverte par la justice guinéenne en février 2010 sur le massacre du 28 septembre 2009, en particulier au cours des derniers mois, et des perspectives judiciaires dans cette affaire, notamment concernant Moussa Dadis Camara.

 

« Notre rapport dresse un bilan d’étape de la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves perpétrés en Guinée. De nombreuses avancées ont été accomplies, encore très récemment d’ailleurs. Mais nous voulons aussi exprimer les attentes des victimes qui appellent de leur vœu la tenue d’un procès irréprochable, à la mesure de la gravité des crimes perpétrés » a déclaré Souhayr Belhassen, présidente d’Honneur de la FIDH en mission à Conakry.

 

De même, le rapport présenté revient sur la procédure judiciaire concernant des tortures infligées contre 17 personnes en octobre 2010 dans le quartier populaire de Hamdalaye sur ordre de hauts gradés de l’armée pour des motivations politiques. L’instruction judiciaire qui a permis de démontrer la responsabilité présumée de l’ancien chef d’État-major, le général Nouhou Thiam et celle de l’ancien gouverneur de la ville de Conakry, le commandant Sekou Resco Camara, doit maintenant être confirmée par la Chambre d’Accusation. Nos organisations appellent solennellement les autorités guinéennes à rendre possible la tenue de ce procès avant le premier tour de l’élection présidentielle.

 

Nos organisations rappellent enfin, que la vérité et la justice sont des aspects essentiels au processus de réconciliation nationale. Le lancement le 25 mars 2015 des consultations nationales devant permettre aux populations guinéennes de s’exprimer sur la forme que devrait prendre une future commission vérité est une étape importante qui doit maintenant être opérationnalisée dans les meilleurs délais. Nos organisations participeront à ce processus important et appellent les populations, les organismes socio-professionnels, les partis politiques et l’ensemble des acteurs à participer à ces consultations et à exprimer leurs avis sur le mandat, la composition et leurs attentes à l’égard d’une future Commission vérité.

 

Télécharger le rapport: Guinée : le temps de la justice ?