cdd_nvoPour battre l’actuel chef de l’Etat, le leader de l’opposition, président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFGD) n’a rien trouvé d’autre que de faire alliance avec Moussa Dadis Camara, le chef de la défunte junte, qui pourrait encore avoir à répondre des massacres survenus le 28 septembre 2009, dans un stade de Conakry.

 

En Guinée, les masques commencent à tomber. Il y a deux semaines, ici même, nous nous demandions ce que pouvait bien cacher le retour annoncé de Moussa Dadis Camara en Guinée, pour se porter candidat à la prochaine présidentielle. Et vous disiez espérer qu’il saurait le dire, le moment venu, aux victimes ou parents des victimes des massacres du 28 septembre 2009. C’est, finalement, Ceillou Dalein Diallo qui livre une des clés de l’énigme. Il s’allie à ce général dont les militaires ont massacré ses propres partisans. Faut-il s’en étonner ?

 

Si vous voulez comprendre pourquoi les opposants politiques, en Afrique, sont de moins en moins audibles et perdent du terrain et aussi de leur crédibilité, au profit des mouvements citoyens, écoutez donc le Guinéen Cellou Dalein Diallo se justifier par rapport à l’alliance qu’il dit avoir conclue avec le général Moussa Dadis Camara.

Ses explications sont pour le moins spécieuses, et les victimes ou parents de victimes seraient en droit de les juger méprisables. Le leader de l’UFDG prétend qu’il peut s’allier avec le général Moussa Dadis Camara, parce que la justice n’a pas condamné ce dernier, et l’aurait même épargné, jusque-là, et il affirme qu’il ne lui appartient pas, à lui, Cellou Dalein Diallo, de juger cet homme.

 

C’est pire que si l’on allait dire aux Guinéens que le défunt président Ahmed Sékou Touré n’était pour rien dans la mort des détenus politiques du camp Boiro, sous prétexte qu’il n’en aurait tué aucun de ses propres mains, ou qu’il n’aurait jamais mis les pieds dans cet endroit de sinistre réputation. Même si Dadis Camara venait à passer entre les mailles du filet de la justice, l’histoire retiendra que c’est parce qu’il voulait se porter candidat à la présidentielle que les leaders politiques de l’opposition ont, ce jour-là, convié les militants de leurs partis dans l’enceinte du Stade du 28 septembre. L’histoire ne pourra pas ne pas préciser que c’est l’aide de camp du général Dadis Camara qui a conduit cette sanglante répression. Et il n’est point besoin de sortir de l’Ecole de guerre pour savoir qu’un aide de camp ne peut pas s’éloigner de son patron sans dire où il va, et pour quoi faire. Enfin, lorsque le général a tenté de faire porter le chapeau au dit aide de camp, celui-ci n’a pas hésité à lui loger une balle dans la cervelle.

 

Après cet attentat, le général Dadis Camara avait été évacué au Maroc, pour y être soigné, et l’aide de camp a pris la clé des champs. L’on en était resté là. Il est certain que la justice n’a pas beaucoup avancé, depuis lors. La vérité est que, parce qu’il avait pris une balle dans la cervelle, certains considéraient que le général avait, en partie, payé pour le mal qu’il a pu faire aux victimes du Stade du 28 Septembre. Cette balle dans la tête l’avait, en tout cas, considérablement diminué. Manifestement, la rééducation a fait des miracles, et c’est ce qui nous vaut ce retour intempestif du général Dadis Camara au-devant de la scène.

 

Est-il, pour autant, en état de mener campagne, puis de gouverner ce pays ? Rien ne le prouve. Il n’est d’ailleurs pas exclu que Cellou Dalein Diallo, sachant tout cela, ait noué cette alliance, en espérant secrètement que le général ne pourrait pas se présenter, ou qu’il serait tout simplement empêché de le faire. Auquel cas, ce dernier donnerait des consignes à ses partisans pour voter Cellou Dalein Diallo, dans l’espoir que Cellou Dalein Diallo, élu président, commencerait par lui accorder une grâce.

 

Ne serait-ce pas une forme, à peine moins insupportable, de supercherie, de la part du leader de l’opposition ?

 

Beaucoup s’étonnent, du reste, de ce qu’il tienne davantage à l’alliance avec le justiciable Dadis Camara, qu’à celle qu’il pourrait avoir avec ses « amis », les autres leaders de l’opposition. En vouloir à Alpha Condé au point de pactiser avec le diable pour le battre est un aveu de faiblesse, de très grande faiblesse, en plus d’être une faute politique. Car, lorsque la justice aura fini de faire proprement son travail, et que, comme c’est possible, elle aura condamné Moussa Dadis Camara, Monsieur Cellou Dalein Diallo sera, peut-être, déjà président, et pourrait, en tant que chef de l’Etat, grâcier son allié, au mépris des victimes.

Par Jean-Baptiste Placca
RFI