sadakadji_1Nous mettons à votre disposition cet article libre opinion reçu de la part d’un de nos lecteurs. La rédaction de guinee58 n’engage pas sa responsabilité sur son contenu. Mais, dans un débat démocratique, tous les avis sont à écouter pourvu que ça se fasse dans un cadre respectueux.

 

Les récentes réactions des internautes relatives au ralliement de Sadakâdji à Alpha CONDE m’interpellent en tant qu’analyste politique. Sadakâdji a-t-il objectivement un avenir politique en Guinée ? Sans la boule magique, compliqué d’y répondre. Je tenterais cette analyse, animé de la volonté d’éclairer les citoyens et de participer à un débat fécond.

Sadakâdji, un symbole pour les Guinéens

  • Symbole de réussite économique, du self-made-man qui, en peu de temps et à l’étranger, a conquis une immense fortune ;
  • Symbole d’intégration : de retour au pays, il a su s’intégrer et faire prospérer ses affaires ;
  • Symbole d’humanité en ce sens qu’il partage ce qu’il gagne avec ses concitoyens.

Faut-il rappeler que Sadakâdji n’est pas la seule fortune du pays ? Et ceux qui parlent de nombreux mendiants qui entourent sa concession tous les jours, n’oublient pas (mais ils feignent de l’oublier) que de nombreuses cylindrées, d’importants cadres et autres personnes modestes ne désemplissent pas sa cour. Il mérite effectivement son surnom de Sadakâdji : motos, sacs de riz, espèces sonnantes et trébuchantes, bœufs et autres denrées alimentaires sont acheminés fréquemment dans les différentes villes et villages et distribués aux nécessiteux, chefs religieux. Même son éloignement n’aurait pas mis fin à ces activités. Ses missionnaires continueraient, en son nom, ses œuvres sur l’étendue du territoire national. Quelques fois, les bénéficiaires mêmes sont loin d’imaginer l’origine de ces cadeaux.

 

Sadakâdji, héros doublé d’un politique

Très tôt, il a perçu le danger qui le guettait et a préféré s’exiler, cela avant la prise de fonctions du nouvel élu en 2010. Ce faisant, il a montré une capacité d’anticipation. A-t-on oublié les difficultés éprouvées par certains pour sortir du territoire ? Il était opposé à Alpha et autant celui-ci à lui. En homme stratège, il a souvent annoncé son retour, mais automatiquement les informations lui revenaient des traquenards préparés. Sadakâdji n’est pas Cellou. Celui-ci continue à se comporter en un véritable agneau dans un milieu de caïmans. Par contre Sadakâdji pourrait être l’alter ago de Alpha. Autant celui-ci aurait été informé au temps de CONTE, autant Sadakâdji bénéficierait d’amis dans tous les milieux socio-professionnels guinéens. Cela lui donne une avance sur ses adversaires. Ce serait donc en toute connaissance de cause, en homme politique averti qu’il aurait négocié et se serait entendu avec Alpha. Ceux qui pensent qu’il a fallu quelques heures d’entretien se trompent. A l’image de la négociation menée par Henry Kissinger au Vietnam, durant une longue période, Alpha et Sadakâdji ont pris langue et ont suffisamment échangé. Et ceux qui crieront au scandale doivent savoir que toute négociation, pour qu’elle réussisse, doit s’entourer de discrétion. Toutes les garanties auraient été prises et des engagements précis faits. Des chefs d’Etat et des leaders politiques guinéens ont joué les bons offices.

Quel impact de cette entente sur l’avenir politique de Sadakâdji ? L’émotion suscitée par les internautes est non seulement à l’image de l’espoir mis en l’homme mais également à l’occasion donnée aux nombreux partisans de son partenaire d’hier, Cellou, plus nombreux sur la toile, de régler le compte de celui qui, inévitablement pourrait saigner l’UFDG. Est-ce possible ? Est-il possible que son parti puisse s’implanter au-delà de la chasse gardée de l’UFDG ? La réponse à ces deux questions détermine dans une large mesure l’avenir politique de Sadakâdji.

Pourrait-il ébranler l’UFDG ? Tout est fonction de sa stratégie d’implantation, de la communication mise en place et de l’évolution socio-politique du pays. L’UFDG a des militants disparates : les inconditionnels du leader, ceux de la communauté, les indécis, les embarqués et les réticents. Il faut donc faire une analyse des différents segments et savoir l’intérêt des uns et des autres. Attaquer chaque segment en connaissance de cause. Evidemment, comme dans une stratégie de conquête de marché, on ne pourrait pas conquérir tous les clients potentiels, mais l’on pourrait se fixer des objectifs quantitatifs importants avec l’idée qu’il serait possible de créer un effet boule de neige à partir d’un certain seuil. La communication sera déterminante. Et là, c’est le talon d’Achille de l’UFDG. L’évolution socio-politique sera cruciale. Le degré de repli identitaire sera fonction de l’intensité de la tension socio-politique. Plus les violences politiques contre la communauté s’accroîtront, mieux l’UFDG se portera. Tout départ de l’UFDG dans un tel contexte met son auteur au ban du clan. Mais le contraire est vrai. Si Alpha CONDE parvient à vaincre le démon de la division et attribue des postes de responsabilités et partage équitablement les projets de développement entre les différentes régions et ethnies, s’il instaure une certaine équité au sommet de l’Etat, alors l’ANDS, le parti de Sadakâdji, pourrait avoir toutes ses chances. En d’autres termes, Sadakâdji a une partie de son destin en main : mettre en place une stratégie d’implantation du parti et de communication à la hauteur de ses ambitions. Les autres paramètres dépendent de l’évolution socio-politique. Il lui revient aussi de plaider auprès d’Alpha pour une gestion plus équitable des ressources publiques et la prise en compte de l’intérêt de tous les Guinéens. Dans cette lutte, il aura comme partisan Ba Ousmane et certains proches du Président qui détestent les ethno. Il aura comme adversaire certains caciques installés auprès d’Alpha et pour qui « casser du Peulh » permet de préserver leur strapontin. Sa manière de gérer ses nouvelles amitiés et ce qu’il pourra tirer d’eux, déterminera longuement son avenir politique.

 

Pourrait-il implanter son parti au-delà du fief actuel de l’UFDG ? Tout est fonction de la stratégie déployée. Faut-il rappeler qu’il dispose d’un réseau d’amitiés au sein de toutes les communautés. Comment tirer profit de ce réseau pour en faire des potentiels militants ? Telle est la problématique qui se posera à lui dans les prochains jours. Et sa fortune sera à la fois atouts et handicaps. Atouts, en ce sens qu’il ne dépendra de personne. A l’image de Sydia pour l’UFR, il sera le principal bailleur de fonds du parti. Mais cela constitue aussi un handicap. Comment distinguer les militants de ceux qui espèrent partager la soupe ? Une fois cette situation décantée, il reviendra au parti de s’attacher des meilleurs dans les différents réseaux, d’avoir un projet de société viable. Mais, dans un pays pauvre comme la Guinée, tout comme dans un pays riche comme les Etats-Unis (n’y enregistre-t-on pas aussi un candidat milliardaire ?), il faut se départir du complexe d’être riche. Nul n’a tort d’être riche ou pauvre. Mais à défaut de ressources financières, il faut le mobiliser auprès d’opérateurs qui, par la suite, exigent l’impossible. L’UFDG en sait quelque chose. La plupart des opérateurs économiques qui ont financé sa campagne en 2010, ne laissaient même pas Cellou Dalein concevoir sa stratégie. A tout moment, ils l’entouraient, l’amenaient où ils le souhaitaient. Et cela a constitué l’une des raisons de sa défaite. Même si l’argent ne résout pas tous les problèmes, il est le nerf de la guerre. En ce sens, Sadakâdji a un atout. A cet atout, il faut ajouter une capacité de réflexion et d’anticipation. Ne réussit pas dans les affaires qui le veut. Et s’il a des hommes dévoués et capables de concevoir des stratégies et de les mettre en œuvre, il pourra aller au-delà de ce que l’on pourrait imaginer.

 

Et pour ce qui est de l’UFDG, connaissant le clientélisme qui y règne, des périodes d’incertitude s’annoncent : Dans les jours à venir, les meilleurs amis de Cellou Dalein et de sa femme occuperont les postes importants des mairies, les autres se contenteront des strapontins et la déchirure au sein de ce parti s’accentuera. Et pour la conquête des autres fiefs, la période post-électorale pourrait être propice. Pourvu que la paix règne dans notre pays !

Moctar BARRY