sidya_toure_parisPar-delà de la fraude généralisée, la dernière présidentielle a permis de dévoiler les forces et les faiblesses des candidats en lice. Il y a ceux qui criaient haut et fort pour impressionner alors qu’ils n’ont pas la force dont ils revendiquent. C’était le cas de Sidya Touré et son UFR.

Plus la date fatidique du 11 octobre 2015 approchait, plus Sidya Touré haussait le ton. Il multipliait les sorties hasardeuses. Il gaffait en même temps. Il déroutait les militants et sympathisants de l’UFR.

 

Candidature unique de l’opposition, un rêve inaccessible pour Sidya Touré

Obsédé par la candidature unique autour de sa personne, Sidya ne voyait rien, n’entendait rien d’autre. Il ne distinguait plus l’essentiel de la futilité. Tous les moyens étaient bons pour attirer l’attention sur sa personne, peu importe les préjudices. Imbu de lui-même, Sidya n’avait d’yeux que pour sa candidature unique au nom de toute l’opposition. Ce n’était qu’une chimère.

L’UFR lance l’idée d’une candidature unique et décrit le portrait type du candidat idéal qui, curieusement, ressemble fort à son président. L’UFR tente d’imposer l’idée dans l’opinion publique à coup de battage médiatique. C’est sans succès puisque les ténors de l’opposition n’y accordent aucun intérêt. L’UFR tente de convaincre sans donner des critères de sélection crédibles. Au grand dam de son champion, le projet de l’UFR tombe à l’eau faute d’adhésion populaire.

 

Sidya Touré, vrai opposant à Cellou Dalein diallo

Pour Sidya Touré, Cellou Dalein Diallo est l’obstacle principal à la concrétisation de l’ambition de sa vie. Il faut se démarquer de lui. Il faut le discréditer voire le combattre. Lorsque Cellou va à gauche, Sidya propose d’aller à droite. Ils se contredisent publiquement. Leurs lieutenants s’écharpent dans les médias.

Se disant plus trans-ethnique, l’UFR n’hésite pas à critiquer le «penchant communautariste» de l’UFDG. Sidya martèle qu’il n’y a pas LE chef de file de l’opposition; mais il y a des opposants tout court. Les députés de l’UFR votent la loi sur le statut du chef de file de l’opposition mais l’UFR conteste la légitimité à Cellou. Pour l’UFR, Cellou est le chef de file de son propre parti mais il n’est pas le chef de tous les opposants, encore moins le chef de Sidya. Ce dernier rappelle souvent que Cellou était son ministre et lui son chef. Bref, Sidya n’accepte pas le rôle de second couteau. Il vit mal son statut de «deuxième» chef de file de l’opposition. Il aurait bien aimé être le premier et non le deuxième. Mais, Dieu, les militants et …Alpha Condé en ont décidé autrement.

Cellou Dalein est auréolé chef de file de l’opposition avec la bénédiction de la mouvance qui lui souhaite, avec une certaine ironie, de garder aussi longtemps que possible cet insigne d’honneur.

Rien à faire, l’UFR et Sidya ne se découragent pas. Ils vont jusqu’à accuser Cellou Dalein de refuser le changement. « Si Alpha est réélu, c’est la faute à Cellou », font-ils entendre.

Le plus cocasse dans tout cela, ce sont les mutuelles accusations de traîtrise. Cellou et Sidya s’accusent réciproquement de pactiser avec le «diable» Alpha Condé dès que l’un se rend à la présidence sur l’invitation du principal locataire. On dirait deux co-époux qui se disputent les faveurs d’une épouse commune, comme dans la polyandrie. A se demander s’il n’y a pas une chambre nuptiale dans le palais. Le «mariage pour tous» flotte dans l’air du temps, vous savez.

L’UFR a commis une erreur monumentale en se focalisant trop sur Cellou Dalein. Toute sa politique est faite par rapport à celle de l’UFDG. L’UFR est devenue fade, sans credo politique. Elle s’est imposé une difficile épreuve à savoir critiquer à la fois Cellou Dalein et Alpha Condé et tout en restant crédible. Périlleux jeux d’équilibriste. Les dérapages de l’UFR ont fait basculer l’opinion guinéenne contre Sidya, perçu plus préoccupé à régler des comptes à Cellou qu’autre chose.

 

Sidya Touré, faux opposant à Alpha Condé

A force de vouloir se démarquer de Cellou, Sidya s’est rapproché d’Alpha Condé. Des actes de Sidya ont été d’une grande utilité à Alpha Condé dans l’affaiblissement de l’opposition.

Après la chaude journée de manifestation du 2 mai 2013, Sidya déclare qu’on ne le verra plus sur le capot d’une voiture. Ce n’est pas sa place. Il accuse des loubards proches de l’UFDG de l’avoir caillassé. Cette déclaration brise l’élan d’une opposition ragaillardie et permet à Alpha Condé, très acculé à ce moment, de rebondir. Sidya boudent, temporairement, les manifestations de rue qu’il reprendra plus tard, sans crier gare.

En juin 2015, Sidya déclare sur une radio qu’il ne soutiendra pas Cellou Dalein en cas de duel entre ce dernier et Alpha condé. Quelle trahison! Quel reniement ! Près de cinq ans d’opposition frontale contre Alpha Condé, Sidya envisage de voter pour cette même personne qu’il a combattue. Si ce revirement est du pain béni pour le pouvoir, il est une couleuvre difficile à avaler par les Guinéens aspirant au changement. C’est la gaffe de trop pour Sidya. Le divorce est consommé entre lui et les militants de l’opposition, qui ne le comprennent plus.

Cette déclaration de Sidya n’étonne pas ceux qui connaissent les tendances politiques et internes à l’UFR. Deux courants traversent l’UFR : celui qui pousse vers un rapprochement avec Alpha Condé et celui qui prône l’ancrage dans l’opposition. Au début, il existait une sorte d’équilibre électrostatique entre les deux courants. Mais, avec le temps, le pôle négatif et pro-Alpha Condé absorbera toute l’énergie et fera basculer la balance de son côté. Et ce sera l’agitation thermique à l’UFR avec des déclarations antinomiques et dans tous les sens. Cela entrainera aussi la rupture du câble de confiance qui reliait Sidya Touré au peuple de Guinée. Le président de l’UFR ne réussira jamais à rétablir la liaison jusqu’au 11 octobre 2015.

Aux yeux de plusieurs électeurs, Sidya n’est plus très net. Ces doutes sont confortés par des rumeurs persistantes à propos d’un deal secret qui existerait entre l’UFR et le RPG. En un mot, Sidya Touré est un faux opposant à Alpha Condé.

 

Campagne électorale ou déchéance électorale

C’est connu que les Guinéens n’aiment pas le délestage électrique. Ils n’aiment pas, non plus, le délestage politique. Ils le feront savoir à Sidya à l’occasion de la campagne présidentielle et du jour du scrutin.

Comme les autres, le candidat de l’UFR parcourt la Guinée pour rencontrer les électeurs. Mais, ce qui devait être une tournée carnavalesque se transforme en un long et exténuant chemin de croix. La population n’est pas au rendez-vous. Elle boude Sidya Touré. Des meetings sont annulés à la dernière minute, faute de public. Le directoire de campagne de l’UFR avance des faux prétextes pour masquer la bérézina électorale. Dans les rares meetings tenus, les gadgets de campagne font défaut. Les t-shirts et les banderoles aux couleurs du candidat se comptent au bout des doigts. «Les caisses de l’UFR sont vides », murmure-t-on. Bref, c’est le fiasco total.

On est même peiné de voir sombrer un homme qui a participé à animer le débat politique guinéen ces quinze dernières années. Mais, tout cela était presque prévisible, n’est-ce pas ? Sidya Touré a trop dansé le tango avec les Guinéens; un pas en avant, un pas en arrière. Les Guinéens n’en peuvent plus.

Le jour du scrutin, ils le sanctionnent si l’on en juge par les résultats publiés par la CENI, 6% pour Sidya Touré. Tenons compte de la fraude et soyons généreux, rajoutons lui 4%. Même avec 10%, c’est un échec pour celui qui se voyait le candidat unique de l’opposition.

Sidya Touré sort par la petite porte. Au crépuscule de sa carrière politique, le coup est dur à encaisser. Il aime répéter qu’il n’y pas de limitation d’âge pour briguer la magistrature suprême. Mais, le poids de son âge n’est plus un atout à défaut d’être un handicap. Souhaitons-lui longue vie et bonne santé et donnons-nous rendez-vous à la prochaine présidentielle. En 2020, il aura quel âge déjà? Eh…75 ans. Il pourra, peut-être, battre le record d’Alpha Condé, arrivé au pouvoir à 72 ans. Ce sera sa plus belle revanche sur Alpha après deux défaites -2010 et 2015- qu’il lui a infligées. Voilà une source de motivation ! Au revoir et à 2020 !

 

Moucky S. Diallo pour www.guinee58.com