bauxite_guineeAvoir des ressources naturelles à exploiter est un atout que tous les pays du monde essaient de mettre en valeur. Cela peut également être un problème lorsque la dépendance à une ressource est trop forte et malmène in fine l’ensemble de l’économie.

La Guinée Conakry suit un chemin différent, mais par forcément positif, avec la mise en valeur de la bauxite. Ce minerai utilisé dans la fabrication de l’aluminium est exploité depuis plusieurs années sans que les effets sur l’économie ne soient visibles, contrairement aux conséquences attendues en termes de pollution et de santé publique. Un échec sur toute la ligne en partie dû à l’instinct de prédateur des entreprises chinoises.

Dans un univers économique globalisé où les matières premières s’échangent par millions de tonnes chaque minute à la Bourse, exploiter des ressources naturelles peut s’avérer être un formidable accélérateur de développement. Les petits pays du Golfe persique en sont un exemple heureux avec des hydrocarbures exploités à bon escient pour faire sortir des villes du désert et s’octroyer une place de choix sur la scène économique mondiale.

D’autres pays comme la Russie ou le Venezuela se révèlent être des géants énergétiques aux pieds d’argile avec des économies beaucoup trop dépendantes au pétrole et a ses fluctuations. C’est justement avec le Venezuela qu’un accord a été conclu par la Guinée en 2013 dans les domaines de l’agriculture, de l’énergie et des mines. Trois années après sa signature, il est évident que la pioche a été mauvaise. Le Venezuela est entré dans une crise économique et sociale sans précédent et la Guinée peine à faire avancer son économie.

Déconvenues chinoises

Avec un PIB qui a stagné au cours des deux dernières années, l’évolution de la Guinée emprunte un chemin dangereux : si l’économie ne va pas de l’avant, la population, elle, progresse de 2,5 % par an. Le PIB par habitant diminue mécaniquement quand bien même le développement économique avait été l’un des thèmes phares de la campagne présidentielle d’Alpha Condé en 2010. Le candidat et futur président misait alors sur l’exploitation de la bauxite pour sortir son pays de la pauvreté. Six années plus tard, le constat est amer.

Le sous-sol guinéen, pourtant, abriterait les plus grandes ressources en bauxite du monde, mais leur exploitation n’a pas suscité le grand élan économique attendu. Pire, l’arrivée massive des entreprises étrangères et en premier lieu chinoises pour exploiter ce minerai font peser de graves menaces. La bauxite est un élément essentiel dans la fabrication de l’aluminium, un matériau irremplaçable dans certaines industries à forte valeur ajoutée comme l’aviation. La Guinée est donc assise sur une montagne d’or – ou plutôt de bauxite –, mais l’exploitation de cette ressource est l’une des plus polluante au monde si l’on regarde des exemples récents.

Vietnam, Indonésie, Malaisie… tous ces pays se sont lancés dans l’exploitation éperdue de la bauxite avec pour idée motrice de faire de juteuses affaires avec une Chine qui a la double casquette de premier producteur et premier consommateur de ce minerai. A chaque fois, l’expérience a tourné court, car si les producteurs chinois sont venus en accord avec les conventions de partenariat signées par ces pays, le résultat a toujours été dévastateur pour l’environnement et les populations locales. Au Vietnam, le lac de Tan Rai est dramatiquement pollué suite aux rejets de bauxite dans ses eaux. En Indonésie, la production a été multipliée par 100 en l’espace de deux ans avant que les autorités ne décident de tout arrêter en raison du désastre écologique qui s’en est suivi. Même son de cloche en Malaisie vers qui les investisseurs chinois se sont tournés après ces deux premières déconvenues.

Manque de volonté

La Guinée est aujourd’hui devenue pour la Chine un eldorado qu’il ne faut pas perdre, sauf que les industriels de l’empire du Milieu ne font rien pour ne pas répéter les erreurs passées avec des exploitations illégales et extrêmement polluantes. La Guinée est sous la menace tangible d’une pollution de grande échelle mais le gouvernement ne semble pas en prendre conscience. L’exploitation d’une ressource dont l’impact économique est faible mais qui a des conséquences dramatiques sur l’environnement ne devrait pas avoir lieu d’être.

Le message que laisse passer les autorités guinéennes, alors que le monde est mobilisé depuis la COP21 en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique, n’est pas positif, loin s’en faut. Et c’est sans compter sur les conditions sociales misérables qu’entraîne la venue incontrôlée d’exploitants chinois. La tendance à la prédation de la Chine dans les pays africains se confirme depuis une décennie, mais certains dirigeants devraient se montrer plus regardant sur les résultats. Les exemples à étudier ne manquent pas, seule la volonté, peut-être, fait défaut. Et c’est bien dommage.

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