alphacondesidyatoureVous avez pu entendre Alpha Condé dimanche sur RFI. Le président guinéen a annoncé que, malgré l'épidémie d'Ebola, la présidentielle aurait bien lieu en 2015. Mais qu'en pensent ses futurs adversaires ? Le député Sidya Touré dirige l'Union des forces républicaines, l'UFR, qui est la deuxième force d'opposition à l'Assemblée nationale.

L'ancien Premier ministre guinéen répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : Quand le président Alpha Condé affirme que l’épidémie Ebola ne va pas empêcher les guinéens de faire une élection présidentielle en 2015, est-ce que cela vous rassure ou pas ?

Sidya Toure : J’aimerai bien être rassuré mais je ne serai rassuré que quand je saurai que nous faisons ce qu’il faut pour combattre cette maladie. La dernière statistique que j’ai ne va malheureusement pas dans ce sens. Depuis le mois de juillet, nous avons tendance à constater qu’il y a plus de morts et le mois de décembre a connu une explosion parce que l’on est passé de 1 200 et quelques morts en novembre à près de 1 500 morts maintenant.

Est-ce que vous pensez que toutes les mesures nécessaires ont été prises ?

Je dois avouer que non, dans la mesure où vous avez une coordination qui est gérée à partir de la présidence et que vous avez le ministère de la Santé qui a les ressources humaines, le matériel mais qui est pratiquement écarté de la gestion d’Ebola. Ce qui fait que nous avons une situation dichotomique qui ne permet réellement pas de donner la pleine mesure de nos capacités dans les soins qu’il faut apporter à nos malades.

Est-ce que cette épidémie risque de perturber le calendrier électoral ?

J’espère que non parce que la présidentielle est pour octobre 2015. Mais il ne faut pas oublier que cela fait quatre ans que nous devons avoir des élections communales, locales et autres, que nous n’avons toujours pas tenues et que pour aller aux législatives il a fallu manifester pendant près de deux ans, avoir près de 60 morts, pour que trois ans après l’élection du président Alpha Condé, on ait une Assemblée nationale, ce n’est pas forcément liée à Ebola, il y a une tendance en Guinée de faire les choses un peu contraires à la loi.

Oui mais Alpha Condé s’engage à ce que la présidentielle ait lieu cette année 2015…

Nous le souhaitons malheureusement pour le moment nous n’avons pas connaissance des procédures selon lesquelles la révision va se faire. Nous voyons que la Guinée est en train de refuser l’aide de l’Union européenne, dans le cadre du processus électoral pour éviter les missions d’observation de cette Union européenne. J’estime qu’il y a encore beaucoup de choses à faire avant d’arriver aux élections.

L’un de vos sujets d’inquiétude, c’est la fraude au niveau de l’établissement des listes électorales, d’où votre opposition ces dernières années à l’opérateur sud-africain Waymark, aujourd’hui il est remplacé par le français Gemalto, est-ce que cela vous satisfait ?

Ce que nous entendons, c’est que tout ceci a été fait sans que nous soyons associés, nous avons eu des négociations avec le gouvernement et le parti au pouvoir. Il était convenu qu’un comité de veille assiste la Céni, qui comprendrait les représentants de l’opposition et de la mouvance, cela n’a pas été fait, donc nous ne savons pas exactement ce que tout cela va donner. Nous sommes attentifs et dès la rentrée du mois de janvier, nous allons exiger des réponses adéquates à toutes ces questions que nous nous posons sur le fichier électoral.

Alors la Céni, vous dites qu’elle est sous le contrôle du pouvoir, mais le président vous rétorque que c’est vous qui en avait proposé le format et la composition actuels ?

Le président a délivré que nous avons exigé qu’il y ait une Céni paritaire dans ce pays. La Céni veut que quand vous êtes l’opposition, vous avez dix représentants et que la mouvance en a dix. Aujourd’hui, l’opposition ne peut revendiquer que trois commissaires à la Céni, donc nous estimons que cela n’est pas conforme à la loi que nous avons voté ensemble du temps où monsieur Alpha Condé était opposant.

Et que demandez-vous ?

Nous demandons que cette Céni soit révisée conformément aux résultats des élections législatives, c'est-à-dire que la parité soit reprise de telle façon que chacun des compétiteurs aient 50% des membres à la Commission électorale, comme il est prévu par la loi.

Quand le président annonce que les futures élections doivent être financées par le budget de la Guinée, vous êtes d’accord ou non ?

Cela n’a pas beaucoup de sens dans la mesure où nous sommes dans une situation économique et financière désastreuses. N’oubliez pas que la Guinée a connu un taux de croissance en 2013, avant Ebola, de 2% alors que dans l’environnement, le Liberia avait 8%, la Côte d’Ivoire près de 10% et la Sierra Leone à 14%, nous en étions à 2 ! Nous avons un déficit budgétaire qui est connu, je me demande quelle est la raison qui pourrait pousser à refuser l’aide extérieure, si ce n’est pour organiser des élections à la soviétique où personne ne viendrait regarder ce qui s’y passe.

Est-ce que les observateurs européens ont joué un rôle positif dans le passé ?

Ils ont joué un rôle positif notamment aux élections législatives, ce qui a permis après des recomptages qui ont duré des semaines, qu’à Conakry sur les cinq communes, le parti au pouvoir n’a pas eu une seule commune dans la capitale. Ce sont ces raisons qui poussent Alpha Condé à refuser la présence des observateurs de l’Union européenne, parce que grâce à leur présence nous avons pu avoir des décomptes acceptables, au niveau au moins de la capitale.

Il n’y a pas de problème de liberté de la presse en Guinée, affirme Alpha Condé, la preuve, il y a plus de quarante radios libres et aucun journaliste en prison…

Aujourd’hui, il y a beaucoup de problèmes pour certaines radios, télévisions parce que l’on ne veut pas leur donner des autorisations, ensuite, on n’arrête pas d’indexer des journalistes pour des raisons purement personnelles. Aujourd’hui, je viens d’entendre le cas du journaliste de RFI, Mouctar Bah. Je ne vois pas pourquoi il faut faire une fixation sur un journaliste qui a travaillé en Guinée pendant toute la période de Lansana Conté et qui, tout un coup, au moment où on dit que la démocratie s’installe en Guinée, il y a des journalistes qui ne peuvent pas y travailler parce que l’on estime qu’ils ne défendent pas votre point de vue. Cela n’a pas beaucoup de sens et j’estime que ce n’est pas admissible dans un pays en voie de démocratisation.

Source : http://www.rfi.fr/emission/20141223-beaucoup-choses-restent-faire-avant-aller-elections-apres-le-depute-guineen-sidya-/