cellou_dalein_diallo_2Voici l'un des deux finalistes de la précédente présidentielle : en 2010, Cellou Dalein Diallo avait viré largement en tête au premier tour, avant d'être doublé in extremis au second tour par Alpha Condé. En ligne de la province de Basse Guinée, où il tient meeting, le leader de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) répond aux questions de C. Boisbouvier.

Deux fois vous avez perdu à la présidentielle de 2010 et aux législatives de 2013. Qu’est-ce qui vous fait penser que cette année vous pouvez gagner ?

Cellou Dalein Diallo : D’abord, depuis 2010, j’ai beaucoup travaillé pour corriger ce qu’on pouvait considérer comme les faiblesses de mon parti. Ensuite, j’ai profité largement des erreurs, des incohérences et des échecs de M. Alpha Condé.

Vous accusez Alpha Condé de ne pas avoir tenu ses promesses de 2010, mais vous ne pouvez quand même pas le rendre responsable de l’épidémie d’Ebola l’année dernière !

C’est la mauvaise gestion de l’épidémie qu’on peut lui reprocher ! Parce qu’au départ il a nié l’existence de l’épidémie parce qu’il pensait protéger l’image du pays pour les investisseurs et les touristes. Et ensuite, lorsqu’il y a eu un déclin de la maladie, il a dit c’est terminé alors que la maladie continuait de se propager ! Ensuite l’utilisation des ressources que la communauté internationale a mises à la disposition de la Guinée pour sa réélection. Il a refusé d’associer les autres partis politiques à la lutte, pour pouvoir distribuer les moyens matériels et financiers seulement aux partisans du RPG.

Avant l’épidémie d’Ebola est-ce que la Guinée n’était pas en train de décoller économiquement ?

En 2013, avant Ebola, la croissance de la Guinée n’a été que de 2,3 %, alors que la Côte d’Ivoire en faisait 9, la Sierra Leone 14,8 et le Liberia 7 % ! Donc il n’y avait pas de performance !

Depuis quelques semaines, grâce à la mise en eau du barrage de Kaléta les habitants de Conakry et de plusieurs autres grandes villes voient diminuer les coupures de courant. Est-ce que ce n’est pas à mettre à l’actif du président sortant ?

Le coût actualisé en 2010 de ce barrage était de 280 millions de dollars. Il a passé un marché de gré à gré avec une société chinoise pour 550 millions de dollars ! Sans appel d’offre !

Est-ce que les habitants de Conakry ne vont pas voter Alpha Condé pour le remercier d’avoir moins de coupures de courant ?

Les infrastructures seulement, même si elles étaient nombreuses, ne font pas réélire. Il faut autre chose. Il faut la crédibilité. Il faut la confiance dans la manière de gérer l’Etat, la discrimination, l’injustice, l’insécurité, les pouvoirs d’achat qui ont fortement baissé… Voilà des facteurs sur lesquels on juge un chef d’Etat. Et le peuple de Guinée va sanctionner sévèrement Monsieur Alpha Condé le 11 octobre !

Vous dites qu’Alpha Condé a échoué partout. Mais n’a-t-il pas réussi en 2012 à signer avec le FMI un accord PPTE d’allègement de dette, que vous-même quand vous étiez Premier ministre, vous n’aviez jamais pu obtenir ?

Lorsque j’étais Premier ministre j’avais obtenu l’accord du point d’achèvement pour novembre 2006. Et c’est à ce moment que j’ai été limogé. Parce que les mesures drastiques que j’avais prises justement pour atteindre ce point d’achèvement ne convenaient pas à tout le monde.

Depuis le mois de mai dernier c’est la rupture entre Sidya Touré et vous. Est-ce que cela ne compromet pas vos chances de victoire en cas de second tour ?

Non, pas du tout. Et puis je pense que c’était un coup de tête. Aujourd’hui le discours de Sidya est différent.

Vous vous êtes rapprochés à nouveau, c’est ça ?

Oui, c’est ce que je constate, oui.

Au mois de juin, pour rompre votre isolement politique, vous avez fait alliance avec Moussa Dadis Camara, le chef de l’armée qui a massacré 157 personnes et violé 109 femmes le 28 septembre 2009 à Conakry. Cette alliance avec le diable, est-ce que vous ne risquez pas de la payer un jour ?

Non, ce n’est pas une alliance avec le diable ! Il y a un parti politique régulièrement agréé, qui a élu Monsieur Dadis Camara comme président du parti. Ce parti a un potentiel électoral important qui a donc décidé de nouer une alliance avec ce parti et tous les autres partis qui l’ont accepté. Voilà. Et mon électorat n’a pas été affecté par cela et au contraire, il m’a encouragé à nouer des alliances avec tous les partis qui l’acceptent.

Mais vous ne craignez pas que les familles des victimes du 28 septembre soient choquées par cette alliance et se retournent contre vous ?

Non, je n’ai aucune crainte à cet égard. Je fais mon travail de leader politique et je suis légaliste. Je souhaite que la justice continue son travail. Et pour le moment, jusqu’à preuve du contraire, Monsieur Dadis Camara n’est pas reconnu responsable des crimes qui ont été commis au stade du 28 septembre.

Quand les supporters d’Alpha Condé disent que leur champion sera élu dès le premier tour, que répondez-vous ?

C’est impossible. S’il y a un « coup KO », comme ils le disent, ce sera en faveur du candidat de l’UFDG.

C'est-à-dire de vous-même ?

Bien entendu.

Mais qu’est-ce qui vous fait penser ça ?

Parce que mon parti est beaucoup plus fort aujourd’hui qu’à la veille du premier tour ! En 2010, j’ai gagné 44 % des suffrages exprimés, alors qu’Alpha n’en avait eu que 18. Mais aujourd’hui, je viens de la forêt, de la côte guinéenne, de la Moyenne-Guinée, je suis en train de faire la Basse-Guinée. Ceux qui sont là voient à quel point la population adhère à mon projet ! A l’occasion de mes arrivées des manifestations grandioses, sans précédent, ont eu lieu dans la plupart des villes, comme à Nzérékoré en région forestière, à Mamou, à Labé, à Forécariah et à Kindia avant-hier. On n’a jamais vu de manifestations aussi grandioses dans toutes ces villes ! Même à Kankan j’ai fait l’objet d’un accueil chaleureux ! Il y a eu une grandiose mobilisation des Kankancas pour m’accueillir !
Et c’était nouveau parce qu’en 2010, ce n’était vraiment pas le cas. Cette fois-ci j’ai senti la sympathie. Et des engagements fermes ont été pris par les leaders d’opinion dans cette région – à Kankan, à Mandiana – de m’accompagner cette fois-ci, parce qu’ils sont déçus de la gouvernance de Monsieur Alpha Condé pour ses échecs justement, pour les engagements non tenus et pour la mauvaise gouvernance depuis qu’il est à la tête du pays.

RFI