ibk_alphacondeDans la matinée de ce 12 mars, le Président malien, Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK) a terminé sa visite d’Etat et d’amitié auprès de son homologue, Alpha Condé, a-t-on constaté sur place. La fin de ce séjour de 72h d’IBK a été marquée par une conférence de presse animée par les deux Chefs d’Etat, à la Villa des hôtes de la Case Bellevue. La sécurité transfrontalière, les mécanismes de mise en œuvre de nombreux accords signés entre le Mali et la Guinée, presque pas exécutés et la crise au Nord Mali ont été les principaux points abordés par Alpha Condé et son hôte de marque.

Interpellé sur la question relative à la sécurité transfrontalière, Alpha Condé a parlé sans se faire comprendre. Entre autres, il a déclaré : « C’est vrai, le problème de la sécurité est très préoccupant. Nous avons longuement échangé pour voir comment faire des patrouilles communes le long de nos frontières. Nous allons donner ordre à nos ministres de la Défense et aux forces de sécurité de se concerter pour organiser ces patrouilles communes », a-t-il dit sans trop de précision. Mais, pour bien des observateurs, ces patrouilles ne vont pas tarder à démarrer.   Le Président guinéen a abordé le sujet portant sur la reconquête de l’intégrité territoriale du Mali confronté à une crise au Nord depuis environ deux ans : « Tout en veillant à la sécurité frontalière entre nos deux pays, l’objectif principal pour le moment, c’est que l’Etat malien ait le contrôle total de son territoire, qu’on puisse expulser tous les terroristes du Nord-Mali », ajoutant qu’ils vont également surveiller leurs frontières communes afin d’empêcher la « circulation des armes légères. »

S’agissant du suivi des mécanismes de mise en place des accords signés entre le Mali et la Guinée, mais non encore exécutés, Alpha Condé déclare que lui et IBK ont décidé d’organiser des « réunions régulières » tant à Conakry qu’à Bamako. Et de mettre l’accent sur les accords relatifs à l’hydroélectricité. « Vous savez, le barrage de Foumi peut permettre à la Guinée de faire une irrigation de 4000 hectares, mais au Mali c’est 100 000 hectares. Ensuite, il peut permettre la navigabilité sur le fleuve Niger et la création d’un grand lac. Quant au chemin de fer, vous savez que le port de Conakry est le plus proche de Bamako », a indiqué le chef de l’Etat guinéen, qui a affirmé qu’il ne « s’agit pas seulement de signer des protocoles, mais de prendre des dispositions concrètes. Nous allons mener ensemble des actions pour trouver les financements, les organisations financières sont plus favorables aux projets inter-Etats. Mon frère et moi allons prendre notre bâton de pèlerin pour trouver les financements. Pour le barrage de Foumi, trois millions de dollars sont déjà financés par la Banque mondiale pour faire les études. Il ne nous reste plus qu’à trouver des financements pour la construction du barrage et aussi trouver des partenaires pour le financement du chemin de fer. Dans le cadre de l’OMVS, nous allons aussi œuvrer pour qu’avec le Sénégal et la Mauritanie, on accélère la construction des trois autres barrages. Vous savez, l’hydraulique c’est l’énergie qui coûte le moins cher. Si nous voulons que nos populations accèdent au courant à un prix abordable, il faut qu’on favorise l’hydraulique. Nous suivrons de très près la réalisation de ces projets ». Cette déclaration d’Alpha Condé n’a pas passé inaperçue, puisqu’à Conakry, les manifestations contre le manque d’électricité et de l’eau vont crescendo.

Les mots d’IBK

entrepot_malienLa question du Nord-Mali avec la présence d’un contingent guinéen a été presque le seul sujet évoqué par IBK, après l’intervention d’Alpha Condé. « Le sort du Mali ne peut jamais laisser la Guinée indifférente, surtout une Guinée pilotée par le Pr Alpha Condé. Toute agression contre le Mali est ressentie ici (en Guinée ndlr) non seulement par lui-même, mais aussi par l’ensemble du peuple de Guinée comme une agression contre la Guinée. Cela explique largement la permanence, la cohésion et de l’unité dont le Président Alpha Condé a fait montre tout au long de la crise malienne. Mon frère Alpha est cohérent dans son soutien au Mali. Il y a très longtemps qu’il a compris que l’anthropologie, la géographie et l’histoire ont lié nos deux peuples. Nous ferons tout pour renforcer nos relations dans tous les domaines. Donc, une présence guinéenne en terre malienne aujourd’hui peut nous aider à nous défendre contre cette prétention djihadiste d’un autre temps et je crois qu’à l’avenir, cela va encore se conforter… » a affirmé le Président malien.

Après avoir rappelé qu’un véhicule de l’opération Serval a sauté sur une mine dans le Nord-Mali le 11 mars, IBK a soutenu que les djihadistes « ne sont pas encore partis. Ils rôdent encore dans les parages de cette zone montagneuse, extrêmement dure où ils ont malheureusement réussi à s’implanter, à transformer en bunker. Il y a des grottes creusées partout dans la montagne, qui leur servent de repaire et de base de repli. Ils ont eu le temps de s’y implanter par la bêtise incommensurable que nous avions eue de démilitariser le Nord du Mali. La réalité est qu’ils sont encore là, cachés dans les grottes.»

L’autre sujet abordé par IBK a porté sur la mise en valeur des plaines rizicoles du long du fleuve Niger. Selon lui, en parlant du barrage hydroélectrique de Foumi et de ses avantages, Alpha Condé l’a précédé et l’a mis « l’eau dans la bouche. Lorsque le barrage de Foumi sera réalisé, dit-il, cela nous permettra d’aménager 100 000 hectares pour le Mali et plus de 4 000 pour la Guinée. C’est donc là un joyau de plus pour la sécurité alimentaire. Si l’on y ajoute les barrages hydroélectriques qui sont déjà réalisés (par l’OMVS Ndlr) : Manantaly, Félou et Gouina, tout cela va participer à la mise en valeur de ces terres là pour le plus grand profit de nos peuples ».

Rappelons qu’hier, Alpha Condé, pour des raisons qu’on ignore, n’a pas accompagné IBK sur le Port sec de la localité de Friguiady, (sous-préfecture de Manéah, préfecture de Coyah à 50 km à l’Est de Conakry) pour l’inauguration des entrepôts maliens de Guinée. L’hôte de marque a été toutefois accompagné par le Premier ministre guinéen, Mohamed Saïd Fofana et plusieurs ministres. Plusieurs journalistes qui se sont rendus sur le site dans les premières heures de la matinée ont été empêchés de couvrir la cérémonie inaugurale par des gendarmes. Seuls ceux qui étaient à bord des véhicules officiels ont pu couvrir l’évènement.

Aliou Diallo pour www.guinee58.com