bandit_mort_1Hier, 14 mars, nous vous avons publié un article sur l’assassinat de Younoussa Diallo,  présumé coupeur de route, quelque part dans le quartier Petit-Simbaya (commune de Ratoma), par les services de la Brigade anti-criminalité de Conakry, aux ordres de Colonel Mohamed Soumah, leur coordinateur.

Le 15 mars, nous avons retrouvé le domicile de la victime où on nous a confirmé qu’il est bel bien mécanicien auto. Il a été abattu à bout portant, à quelque 300 mètres de son domicile, situé dans le quartier Nongo-Taady, secteur VI. Là, c’est la tristesse et la consternation. L’habitat est noir de monde composé de parents, collaborateurs et amis de Younoussa. Les témoignages recueillis indiquent qu’il aurait été abattu par une « gâchette facile » des agents de la BAC. Une bavure disent certains. Mme Diallo Oumou Sidibé, l’épouse deepouse_younoussa_diallo Younoussa, enceinte, se lamente, sanglote, au milieu de nombreuses femmes visiblement très émues. Elle a pu dire quelques mots sur les circonstances dans lesquelles elle a été mise au courant de la mauvaise nouvelle : « Hier matin, à 6h 40, j’ai quitté la famille pour aller à mon école (Lambanyi Ndlr). Mon mari était au lit. Vers 10h, on m’a dit que son numéro de téléphone ne passe pas. Moi aussi j’ai tenté plusieurs fois, ça sonnait, mais personne ne décrochait. A 16h, on m’a appelé encore et on m’a dit de venir à la maison. Quand je suis arrivé, on m’a dit que c’est mon mari qu’on a tué à côté… » Elle fond en sanglot, inconsolable au milieu des femmes.

Un jeune d’une trentaine d’année a partagé la vie avec Younoussa depuis leur tendre enfance. Il indique qu’il travaillait avec le défunt dans leur garage au quartier Kaporo-rails, non loin des locaux de la BAC-4 qui a engagé la chasse à l’homme contre le défunt. Younoussa avait-il eu des problèmes avec un quelconque agent de la BAC-4 ? Non, nous répond l’interlocuteur qui ajoute que c’est un type moins bavard, très courageux, qui reste rarement à l’atelier au-delà de 21H. Même qu’ils se sont quittés la veille à 19h. Et que la voiture à bord de laquelle a été abattu son ami est de marque Renault 21, contrairement ce qu’il a entendu dire les gendarmes sur les médias à Conakry. Le véhicule appartiendrait au grand-frère de Younoussa Diallo, qu’on appelle Mamadou Diallo. A en croire l’interlocuteur, la Renault était dans les mains de Younoussa pour être remontée, afin qu’elle puisse servir à son propriétaire pour le transport interurbain. La plupart des routes guinéennes inter-préfectures étant très dégradées et mal entretenues.

Le jeune frère du défunt Abdoulaye Diallo, n’a pas démenti notre premier interlocuteur. Il réfute l’accusation portée contre son défunt frère, présumé « bandit, coupeur de route. »

voiture_younoussa_dialloLe jeune apprenti mécanicien de Younoussa Diallo, un certain Mansa Bah, confirme que la voiture n’est pas immatriculée guinéen, mais qu’elle appartient au grand-frère de son défunt maître. Il dit s’être rendu au Commissariat central de Ratoma où est garée la Renault 21, vraie fausse Peugeot 504, pour vérifier la triste nouvelle qu’il a apprise : « J’ai vu la voiture à bord de laquelle maître Younoussa nous avait quitté la veille entre 21h 20 ou 21h 30. Je me suis approché pour regarder l’intérieur du véhicule mais les policiers m’ont interdit de ne pas l’approcher. Je leur ai dit que c’est la voiture de mon maître et que je suis même en tenue, en tant que mécanicien. Il était 10h passées. Mais, on m’a demandé de quitter en disant : ça, c’est la voiture des bandits, elle n’est pas à moi. J’ai voulu ouvrir les portières mais on m’a dit de ne pas toucher la voiture et qu’il y avait des cartouches. C’est alors que j’ai demandé aux policiers  où sont ces cartouches ? Ils m’ont dit qu’ils les ont jetées. J’ai dit : pourtant ce sont vos preuves, il fallait les garder. Ils m’ont chassé du commissariat avec les petits apprentis. Je suis allé à la morgue de l’hôpital Donka où j’ai le corps de mon maître. J’ai demandé de reprendre le corps, le docteur a refusé en me disant que ce sont des gendarmes qui ont déposé son corps et que ce sont eux seulement qui peuvent le reprendre ou donner l’autorisation que quelqu’un le prenne. Donc, je suis rentré. J’ai informé certains membres de la famille qui ne savaient que mon maître a été tué. » Fin de la parenthèse témoignage.

L’affaire risque de tourner au vinaigre. Alors qu’il se discutait de l’enterrement de Younoussa Diallo, dans la matinée de ce 15 mars, Boubacar Camara, le chef secteur de la zone, arrive vers 11h. Il n’habite pas à plus de 30 mètres du domicile de Younoussa. Certains membres de la famille de Younoussa lui demande pourquoi ce retard, alors que plusieurs commissions lui ont été transmises, la veille et le matin. Le chef secteur dit que la veille, il n’était pas à Conakry, c’est tard la nuit qu’il est rentré et a appris la nouvelle par le chef de quartier de Nongo-Taady, Sékou Oumar Touré.  Que le matin, il était allé loin de là, pour régler un problème dans une école.

Selon les témoignages, les jeunes se disant amis du défunt s’énervent, veulent administrer quelques coups. Mais, ils en ont été interdits par les sages. Dans la foule de compatissants, ils aperçoivent le fils de M. Camara. Ils le frappent aussi. Sauvés par des âmes sensibles, les deux malheureux, le père et le fils, regagnent leur domicile, avant de revenir avec tous les occupants et quelques jeunes du coin, pour, dit-on, renverser toutes les marmites qui étaient sur le feu, en train de cuir les repas et mets pour les sacrifices du défunt. La tension monte d’un cran. La famille Younoussa se mobilise et se dirige vers le domicile de Boubacar Camara. Elle veut le saccager quand des sages parmi eux les empêchent par des prières, nous-a-t-on indiqué sur place. Au moment où nous mettions en ligne, on nous rapporte que le fils du chef secteur serait dans une clinique du quartier pour recevoir quelques soins suite à sa bastonnade. Des agents veillent au grain sur le domicile du chef secteur. Les parents du défunt n’ont pu encore récupérer le corps de Younoussa Diallo.

Des observateurs se demandent qui étaient les compagnons de Younoussa dans la nuit du jeudi 13 au petit-matin du vendredi 14 mars. D’autres pensent que Younoussa aurait été pris en otage par des bandits qui se sont sentis menacés après avoir été pourchassés par les agents de la BAC et resté seul après la crevaison du pneu devant de son véhicule, Younoussa aurait tenté de regagner son domicile lorsqu’il a été abattu à bout portant. D’autres pensent que les agents ont été maladroits en tirant sur un véhicule qu’ils ont réussi à immobiliser et se demandent pourquoi Younoussa a tenté de fuir et pourquoi les agents ont brandi son corps comme un trophée. Attendons les résultats des enquêtes qui auraient été engagées par la police du Commissariat central de Ratoma.

 

Aliou Diallo pour www.guinee58.com